Le nouveau cahier des charges relatif aux conditions et aux modalités d’exercice de l’activité de construction de véhicules a été signé le 19 août dernier et publié dans le Journal Officiel.
Contrairement aux précédents textes de loi signés par les ministres de l’Industrie, tous condamnés par la justice pour corruption et octroi d’indus avantages, le nouveau cahier des charges a été paraphé par le Premier ministre, Abdelaziz Djerad.
Ce cahier des charges d’une extrême rigueur est suivi de textes d’application et de lettres d’engagement qui, elles, seront signées par l’opérateur, une fois retenu par les différentes commissions techniques et de suivi du projet, dont la procédure place la barre très haut.
D’emblée, le gouvernement annonce la couleur : le montage automobile et le système d’importation des kits SKD et CKD ont définitivement été supprimés pour être remplacés par la “construction”, et ce, à la faveur de l’article 9 qui stipule que “l’inclusion d’une chaîne d’emboutissage, de soudure et de peinture au départ de l’activité est un préalable à l’obtention de la décision d’évaluation technique”.
Cette disposition est renforcée par la même loi qui exige à ce que le justificatif du numéro d’identification mondiale du constructeur WMI propre à l’usine installée en Algérie soit délivré par un organisme habilité.
Concernant l’investisseur étranger, le gouvernement exige à ce qu’il soit “un acteur mondial de premier rang dans le domaine de la construction de véhicules” et doit s’engager à apporter son savoir-faire technologique, un minimum de 30% en fonds propres du montant global de l’investissement pour son financement et présenter l’étude technique du projet effectuée par des bureaux d’études spécialisés sous contrat directement avec la maison-mère et financée par cette dernière, et ce, en plus des garanties et des cautions.
L’investisseur algérien, lui, doit jouir d’une expérience d’“un minimum de cinq ans dans une activité de production industrielle, sans incidents de gestion ou de paiement de ses obligations financières, ni infractions majeures constatées” et disposer d’“une assiette financière en fonds propres représentant, au minimum, 30% de sa participation dans le montant total de l’investissement envisagé”.
Un taux d’intégration de 50% à la 5e année
En plus d’une solvabilité sur fonds propres et des garanties matérielles, l’opérateur local doit présenter des plans d’investissement qui prévoient de “bloquer sur compte ses apports d’au moins 30%”, sans compter une étude technique du projet, effectuée par des bureaux d’études spécialisés pour le volet technique et le volet financier du projet.
Cela étant dit, les investisseurs algériens peuvent se constituer en groupe, alors que, précise la même loi, dans le cas d’un partenariat avec un investisseur étranger le financement bancaire local sera limité “au seuil maximum de 40% du coût du projet” et le partenaire étranger doit être détenteur d’“une participation minimale de 30% de son capital social”.
Dans ce cas précis, un protocole d’accord définira toutes les conditions rigoureuses pour le succès du projet (respect de la charte de la maison-mère, formation, maîtrise, management industriel, licence de production, savoir-faire, sous-traitance et intégration locales et clauses liées à la lutte contre la corruption).
Concernant le taux d’intégration, l’article 20 stipule que le constructeur doit s’engager à atteindre un taux d’intégration d’au moins 50% au bout de la cinquième année en passant par les étapes visées à l’article 14 du présent décret.
Du coup, il est dit que le taux d’intégration doit être d’au moins 30% dès le début de l’activité, de 35% à la troisième année et de 40% à la quatrième année, et ce, précise la loi, en adoptant une démarche industrielle opérationnelle pour une intégration locale au niveau de son usine et/ou en faisant appel à la sous-traitance.
En revanche, la logistique et les frais de gestion ne font pas partie du taux d’intégration, mais seront comptabilisés avec la plus-value locale après soustraction des consommations brutes de matières et produits intégrés ou importés.
Pis encore, stipule l’article 19, les constructeurs qui bénéficient du régime fiscal préférentiel doivent intégrer la production de châssis et de carrosseries et de toutes parties métalliques embouties ou mécano-soudées, ainsi que leur traitement de surface, peinture et poinçonnage local, au lancement de la construction de véhicules.
L’investisseur comptable devant le gouvernement
En ce sens, l’investisseur rendra des comptes, chaque année, au ministère chargé de l’Industrie, avec un rapport détaillé sur le niveau d’intégration. Par ailleurs, l’investisseur est tenu de s’approvisionner en composants, pièces et parties importées non encore intégrées localement chez ses fournisseurs habituels homologués.
Concernant les véhicules, ces derniers “doivent répondre aux normes de sécurité et de protection de l’environnement”. En parallèle, aucun projet ne peut intégrer dans sa gamme de production locale plus de quatre modèles. Du reste, cette loi limite la motorisation pour les véhicules légers à 2 000 cm3 et à 3 000 cm3 pour les véhicules utilitaires. Autre nouveauté, “aucun projet ne peut intégrer dans sa ligne de production des modèles de marques différentes sur le même site”.
En outre, en plus de la prise en charge de la garantie du véhicule livré, précise la loi, “les produits issus des activités visées par le présent décret doivent être garantis contre les défauts de construction et les vices apparents et/ou cachés”. Et, pour une première, le constructeur est tenu d’engager des campagnes de rappel, en cas de défauts de conception et de sécurité décelés sur un modèle ou un lot de véhicules.
Mieux encore, stipule l’article 14, “les composants, pièces et parties importés destinés au premier montage ne peuvent, en aucun cas, faire l’objet de revente en l’état”. Contrairement à l’ancienne loi, l’investisseur est comptable devant le gouvernement s’il n’observe pas ces dispositions. Ainsi, en cas de détournement de l’avantage consenti, l’opérateur sera sévèrement sanctionné, allant jusqu’au retrait définitif de l’agrément. Mais pas seulement !
Ainsi, il y aura le retrait et/ou le remboursement des avantages de l’investissement, la révision des conditions de la concession de terrain et des sanctions pécuniaires, la suspension immédiate des avantages fiscaux, la restitution des quantités importées de pièces objet du détournement et l’application des pénalités fiscales.
S’il venait à cesser son activité, “l’investisseur est tenu d’assurer la disponibilité de la pièce de rechange et accessoires d’origine sur une durée minimale de dix ans”.
Farid Belgacem Liberté Algérie