Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, les deux anciens Premiers ministres, incarcérés depuis des mois, seront jugés au niveau du tribunal de Sidi-M’hamed; une décision qui a fait resurgir le débat sur la compétence des structures appelées à prendre en charge ces lourds dossiers en raison de la qualité des prévenus.
Interrogé sur le sujet, Me Miloud Brahimi, l’un des avocats les plus anciens du barreau d’Alger, se dit «étonné par ce fait car les textes de loi indiquent clairement qu’un Premier ministre ne peut être jugé que par la Haute Cour d’Etat ; or, cette dernière n’a jamais été mise en place ce qui pose ou qui posera un problème de compétence du tribunal. En clair, cela revient à dire que le magistrat qui sera chargé de l’affaire n’a pas la compétence requise pour juger ces personnes». A la question de savoir si la situation demeurait la même dans le cas où le procès se déroulerait devant le «pôle spécial», juridiction spécialisée dans le traitement des affaires de corruption, Me Miloud Brahimi répond : «Le problème reste posé car la loi précise bien que seule cette Haute Cour a les prérogatives pour juger les chefs de gouvernement.»
La situation est, cependant, perçue différemment par les autorités judiciaires concernées par ce procès. Si les auditions et les instructions d’Ouyahia et Sellal menées au niveau de la Cour suprême n’ont posé aucun problème de compétence ou de procédure, celle de devoir s’en remettre à une Haute Cour d’Etat encore inexistante renvoie à une autre situation bien plus délicate. Car il faudrait d’abord, nous dit-on, attendre la promulgation de la loi organique pour appliquer la décision de création de cette haute instance. «Or, la Cour suprême se trouve face à des dossiers de prévenus emprisonnés. L’instruction de leurs affaires s’est achevée et il faut à présent les juger.»
«Ces personnes, quelles qu’elles soient, ne peuvent pas passer leur vie indéfiniment dans l’attente de leur procès, les magistrats ont des délais à respecter. Ces délais se sont écoulés et il faut, à présent, passer à la phase du jugement, pour ce, il a été décidé de revenir aux règles générales qui rendent possibles un jugement au niveau d’un tribunal ordinaire.» Deux cas de figure peuvent alors se produire : «A la demande de la défense, le juge peut prononcer l’incompétence du tribunal, mais les prévenus peuvent aussi eux-mêmes refuser d’être jugés par cette cour, dans ce cas-là, ils seront mis face à leurs responsabilités.»
Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal doivent être jugés avant la fin du mois de novembre en cours, a-t-on appris de source bien informée. Ils comparaîtront dans le cadre des dossiers automobiles. Selon les informations en notre possession, d’autres anciens ministres sont également appelés à comparaître dans le cadre de ce même procès. Il s’agit des deux ministres de l’Industrie actuellement incarcérés à la prison d’El-Harrach. Youcef Yousfi et Mahdjoub Bedda sont poursuivis pour corruption, dilapidation de deniers publics et octroi d’indus avantages à des hommes d’affaires. Le premier a été inculpé dans le dossier Tahkout et le second dans celui de Global Motors Industrie (GMI) de Hassen Arbaoui.
Le nom d’un troisième ancien ministre de l’Industrie figure également dans la liste des ministres impliqués dans le dossier automobile, il s’agit de Abdeslam Bouchouareb, actuellement en fuite à l’étranger. Tout comme Chakib Khelil, ce dernier a fait récemment l’objet d’un mandat d’arrêt international.
Abla Chérif Le Soir d’Algérie