Le manque de pièces de rechange automobiles se fait de plus en plus sentir en Algérie, et leurs prix, se pliant à la loi de l’offre et la demande, sont en constante augmentation. Le maintien d’une telle situation accentuera à moyen terme la crise, déjà profonde, qui frappe le marché automobile national. C’est ce qu’a affirmé au Jeune Indépendant l’expert en économie Houari Tigharsi.
En plus de la flambée des prix, cette pénurie occasionne beaucoup de désagréments aux propriétaires de véhicules, dont dépendent parfois leurs revenus.
Pour M. Tigharsi, la pénurie qui frappe depuis plus de deux ans le marché des pièces détachées est due essentiellement aux perturbations des importations, engendrées par les « décisions non étudiées » des ministères de l’Industrie et du Commerce, bloquant les importations d’une marchandise hautement nécessaire pour la préservation du parc automobile national.
L’expert économique a pointé du doigt la gestion du dossier de l’importation des véhicules d’une manière générale et des pièces de rechange en particulier, ajoutant qu’il y a un manque flagrant de transparence et de communication concernant un dossier aussi important.
« La stratégie des secteurs de l’industrie et du commerce dans le domaine des importations ne répond à aucune logique ou règle rationnelle. Pourquoi bloquer l’importation des pièces de rechange et créer une pénurie sur le marché, au moment où tous les pays du monde s’arrachent ces pièces, après la pandémie de la Covid-19, pour répondre aux besoins de leurs marchés et le préserver d’une éventuelle crise ? », s’est-il interrogé.
La solution, selon M. Tigharsi, demeure donc le retour à l’importation de voitures de moins de trois ans, d’autant que les textes juridiques définissant ses modalités et procédures sont d’ores et déjà adoptés. « Cette solution va impulser le marché automobile national, en latence depuis des années, mais surtout ne causera aucun préjudice au Trésor public. Au contraire, elle permettra d’assurer une rente conséquente au pays et de redynamiser le transport maritime ».
L’article 110 de la loi de finances 2020 a autorisé l’importation des véhicules de tourisme de moins de trois ans par les particuliers, une fois tous les trois ans, avec paiement des droits et taxes relevant du régime de droit commun et sur leurs devises propres, par débit d’un compte devises ouvert en Algérie, a-t-il rappelé, soulignant la nécessité de répondre aux besoins des citoyens en la matière et de consolider l’industrie automobile nationale.
« La rechange tient son rôle d’amortisseur mais les stocks s’épuisent », a-t-il mis en garde.
Phobie des pannes parmi les citoyens
La rareté de certaines pièces détachées éreinte les citoyens, mais pas que… Les services après-vente peinent également à satisfaire leur clientèle, rendant la facture encore plus salée.
Farid fait partie des citoyens ayant développé une véritable phobie de la panne. Propriétaire d’une voiture citadine de 2009, il cherche désespérément des pièces de rechange d’origine à un prix raisonnable pour sa voiture de marque allemande, et ce depuis plus d’une semaine.
Rencontré au marché des pièces de rechange de Bab Ezzouar, ce fonctionnaire, trentenaire, a affirmé au Jeune Indépendant que les prix des pièces qu’il cherche ont pratiquement doublé.
« Pour faire la maintenance de ma voiture, je dois débourser 40% de plus que ce que j’avais l’habitude de payer », a-t-il précisé, avant d’ajouter : « Si au moins j’en trouvais. »
Du côté des commerçants, les réponses aux questions du Jeune Indépendant étaient les mêmes : « Il est vrai que le stock prend de la valeur mais il s’épuise aussi. »
« Cette situation est due au blocage des importations. Et nos fournisseurs sont contraints de répartir les stocks existants », ont-ils ajouté.
Les garagistes sont également touchés de plein fouet par cette pénurie. Le manque de pièces retarde énormément leur travail et perturbe leur carnet de rendez-vous.
C’est le cas du garage de Salim, à Douéra, où il n’y a plus aucune place de libre. Trois voitures attendent depuis plusieurs jours des pistons, vilebrequins, kits d’embrayage, pompe à eau et radiateur d’origine.
« Je subis des pertes d’argent car je n’ai plus de place où mettre d’autres voitures. Je ne démonte plus de voiture avant de m’assurer de la disponibilité des pièces », a-t-il expliqué, soulignant que cela est très pénalisant pour son commerce.
Cette situation oblige les mécaniciens à augmenter leurs tarifs, en raison de la période d’attente, au grand dam des citoyens qui se retrouvent entre le marteau de la cherté des pièces de rechange et l’enclume des frais de maintenance.
Source : Jeune Indépendant