L’impasse que connaît le pays en matière d’importations de véhicules neufs dans un cadre commercial organisé, c’est-à-dire par des importateurs agréés par l’Etat et par les maisons mères, a complètement chamboulé le marché des véhicules, au point où des voitures d’occasion achetées 3 à 4 ans plus tôt, coûtent plus chers que lors de leur acquisition.
Un fait rarement observé à travers le monde… Les exemples les plus édifiants sont ceux des Hyundai Creta Diesel, cédés à 3 millions de dinars en 2019 et affichés à plus de 4,6 millions de dinars aujourd’hui. On peut, encore, citer la Kia Sportage (4,8 millions de dinars en 2019 et qui coûte 6,5 millions de dinars après 3 ans de roulage. Les Renault ne sont pas en reste, une Clio IV diesel GT Line achetée 2,45 millions de dinars en 2019 et qui est proposée à plus de 4,4 millions DA avec 3 ans d’âge et plus de 60.000 km au compteur.
Les véhicules neufs tributaires du coût de l’euro
La situation n’est pas plus reluisante pour les véhicules neufs. Ceux-ci sont proposés par des revendeurs informels «organisés», à prix frisant l’indécence. Car il se trouve que le vide créé par l’absence d’un marché formel a permis à des individus de s’organiser pour importer des véhicules d’Europe et du Moyen Orient (Dubaï, plus particulièrement), et de les proposer au double de ce que proposaient les concessionnaires agréés il y a moins de 3 ans de cela pour les mêmes modèles. Et ceci sans offrir au client la moindre garantie ou service après-vente. Mais il se trouve que certains Algériens, et ils sont rares à se le permettre, se voient obligés d’importer eux-mêmes leurs véhicules.
Une obligation due au fait que la voiture ne soit plus un moyen de loisir, mais un moyen de locomotion et un outil de travail. L’opération qui reste coûteuse, même si elle permet d’avoir un véhicule à moindre prix que ce qui est proposé sur le marché de l’informel, reste toutefois l’apanage des privilégiés ayant un parent outre-mer. Mais il y a ceux qui recourent aux licences des moudjahidine à des prix tout aussi indécents (jusqu’à 1 million de dinars), mais qui leur permettent une exonération des droits de douane et de la TVA dont le taux cumulé dépasse les 37% du prix d’achat du véhicule s’il vient d’Europe, et va au-delà des 40% s’il est importé en dehors de l’Union européenne. Le procédé est recherché pour les grosses cylindrées et autres véhicules de luxe, là où l’exonération de TVA et de droit de douane prend son sens. Mais pour rester sur les véhicules grand public, une Suzuki Alto achetée moins d’1 million de dinars chez le concessionnaire il y 4 ans, coûte 2,4 millions de dinars aujourd’hui. Idem pour la Swift qui était proposée à 1,2 million de dinars, et qui est affichée à 3,4 millions de dinars. Et encore, pas de garantie, ni service après-vente. Ces véhicules qui sont fabriqués en Inde et importés depuis Dubaï présentent cet avantage d’être plus abordables que ceux importés d’Europe.
Qui peut importer son propre véhicule ?
Le ministre de l’Industrie qui répondait aux questions des députés, lors d’une récente séance d’audition, en a profité pour signaler que les citoyens pouvaient importer leurs véhicules avec leur propre argent, pour peu que ces véhicules soient neufs. Ceci n’est pas nouveau. Mais voilà, les particuliers peuvent difficilement importer des véhicules neufs, aujourd’hui, surtout depuis que les taxes d’acquisition de véhicules neufs ont été, encore, relevées en mai 2020.
Outre la dégringolade du dinar algérien qui a connu de fortes baisses ces dernières années (1 euro coûte 215 DZD sur le marché informel), il y a lieu de citer cette taxe d’acquisition de véhicules neufs qui freine les particuliers dans leurs ambitions d’acheter eux-mêmes leurs véhicules à l’étranger. Ceci sans oublier les droits de douane (entre 12 et 15%, selon que le véhicule soit importé de l’UE ou pas) et la TVA (19%) qui donnent, un taux cumulé de plus de 37% du prix du véhicule, auxquels il faut ajouter la taxe d’acquisition de véhicule neuf (TVN). Sous l’impulsion du ministre de l’Industrie de l’époque qui a voulu dissuader les consommateurs d’aller vers le diesel et les grosses cylindrées, la TVN a été portée à des seuils vertigineux.
La taxe d’acquisition de véhicules neufs, un frein pour les particuliers
Il est utile de rappeler que la taxe d’acquisition de véhicules neufs a été instituée en 2008 à la faveur de la loi de finances complémentaire. Celle-ci instaurait une taxe variant de 50.000 à 100.000 DA pour les véhicules à motorisation essence, et de 70.000 à 150.000 DA pour les véhicules à motorisation diesel.
De loi de finances complémentaire en loi de finances complémentaire (2009, 2015, 2020), la taxe sur les véhicules neufs est devenu une «poule aux œufs d’or» pour le trésor public. Celle qui n’a cessé d’augmenter depuis, varie, désormais, de 100.000 DA (pour les cylindrées n’excédant pas les 800 cc) à 2.000.000 DA (pour les plus de 2500 cc) pour les véhicules de tourisme à motorisation essence. Pour les cylindrées intermédiaires, cette taxe passe à 250.000 DA pour les véhicules dont les cylindrées sont supérieures à 800 cm3 et inférieures ou égale à 1500 cm3, et 450.000 DA pour les cylindrées comprises entre 1500 cc et 2000 cc. La TVN est de 1.000.000 DA pour les motorisations supérieures à 2000 cc et inférieures ou égales à 2500 cm3. Pour le diesel, la TVN est de 150.000 DA pour les véhicules d’une cylindrée inférieure ou égale à 800 cc. Elle passe à 200.000 DA pour les cylindrées comprises entre 800 cc et 1500 cc, et 800.000 DA pour les cylindrées supérieures à 1500 cm3 et inférieures ou égales à 2000 cm3. Pour les voitures dont la cylindrée est supérieure à 2500 cc, la taxe passe à 2.500.000 DA.
Brahim Aziez in L’Algérie Aujourd’hui