En ces temps de crise qui perdure, le marché automobile en Algérie se trouve dans une situation inédite jamais vécue auparavant.
La mise entre parenthèses de l’activité officielle normalisée tout au long de ces cinq dernières années a cédé le terrain à une pléthore de revendeurs qui tentent de répondre aux attentes de plus en plus importantes de la clientèle locale.
Une activité qui prospère et s’adapte à la nature évolutive de la demande. Si, auparavant, les revendeurs multimarques qui ont, du reste, de tout temps existé, axaient leur activité autour du segment du haut de gamme et de modèles qui n’étaient pas proposés par les concessionnaires agréés, on constate, aujourd’hui, que ce spectre s’étend à des modèles aussi improbables que la Renault Symbol, la Dacia Sandero, la Suzuki Alto ou encore la Hyundai i10. Une nouvelle tendance en vue de toucher une clientèle aux moyens financiers limités.
Une offre en constante diversification
Ces revendeurs multimarques sont installés dans toutes les régions du pays. Des show-rooms visibles, généralement sur les bords des axes routiers et dans certains quartiers des grandes villes. Souvent, faute d’espace d’exposition suffisant à l’intérieur, les véhicules sont parqués à l’extérieur. On y trouve de tout, des SUV, des pick-up haut de gamme, des berlines, des compactes, etc.
Dans les faubourgs d’El Eulma, près de Sétif, ces commerçants du rêve sont légion. La devanture de leurs affaires regorgent de véhicules flambant neuf aux immatriculations hétéroclites. Ils viennent de France, d’Allemagne et aussi de Dubai. Mais on trouve également des modèles déjà immatriculés localement et parfois même d’occasion placés par leurs propriétaires en dépôt vente.
La curiosité nous amène à nous rapprocher d’un revendeur au showroom richement et diversement fourni. Plusieurs marques sont présentes, Volkswagen, Mercedes, Suzuki, Peugeot, Toyota, Renault, Seat, Mitsubishi, Land Rover et Dacia.
Un chiffre d’affaires multiplié par 10
Des véhicules neufs et aussi de quelques années d’âge. Son gérant, Mounir, tient d’emblée à préciser : «Je ne suis pas un concessionnaire d’une marque donnée, je suis un commerçant qui achète et qui revend tous modèles de toutes marques confondues.»
Il ajoutera que sa famille est dans cette activité depuis plus de 15 années, tout en reconnaissant que leur chiffre d’affaires a été multiplié par 10 au cours de ces dernières années.
Pour lui, «on a décidé de nous redéployer sur des modèles et des marques qu’on n’a jamais commercialisés par le passé. On s’adapte à la situation actuelle du marché automobile algérien, comme vous le voyez, nous proposons des petites voitures à des prix plus abordables».
Une Dacia Sandero à 3 200 000 DA, une Suzuki Alto à 2 500 000 DA, une Renault Symbol à 2 900 000 DA, ou encore une Seat Ibiza à 4 800 000 DA, des prix qui sont, cependant, loin d’être abordables.
Notre interlocuteur réagit illico presto : «N’oubliez pas que nous achetons la devise au marché parallèle avec un taux qui approche les 220%, ajoutons à cela des prix de vente à l’étranger en hausse, des frais de transport maritime multipliés par 6, des frais d’assurance, des taxes et droits de douane et je vous laisse le soin de faire les calculs pour le véhicule le moins cher acheté en Europe à 9 000 euros».
Les raisons d’une hausse
C’est la même rengaine chez M Auto, près de Batna, avec toutefois beaucoup moins de diversité dans l’offre, réduite principalement aux marques françaises. Le gérant nous affirmera que les prix «des véhicules dépendent surtout du taux de change dans le marché parallèle, nous n’avons pas accès à la devise vendue par les banques».
De création récente, cette affaire propose un nombre limité de véhicules à vocation utilitaire.
«Les véhicules que nous proposons s’adressent principalement à une clientèle particulière, des commerçants et des entreprises privées.» Il nous dira aussi : «Nous avons l’intention de proposer des petites voitures, mais les prix seront beaucoup plus élevés que ceux pratiqués auparavant par les concessionnaires officiels.»
À Alger, un opérateur, qui veut garder l’anonymat, activant dans la banlieue Est, estime que «les prix pratiqués actuellement reflètent la dérive du dinar au niveau du marché national et ne sont pas plus élevés que ceux pratiqués par les anciens assembleurs qui bénéficiaient, pourtant, de plusieurs avantages et d’exonération de droits et taxes».
Le suivi en garantie «n’est pas de nos prérogatives»
Il faut, par ailleurs, signaler que ces véhicules vendus par les revendeurs multimarques ne bénéficient pas d’un suivi de la garantie constructeur et de prestations de service après-vente. Sollicités à ce sujet, nos interlocuteurs ont des réponses sans appel : «Ce n’est pas notre vocation, nous ne sommes pas des concessionnaires de marques, mais des revendeurs qui tentent de contribuer à la réduction, un tant soit peu, de la tension actuelle sur le marché automobile en Algérie et nos clients sont informés à l’avance.»
L’un d’eux ajoute : «Nous n’avons pas d’engagements vis-à-vis de nos clients, on met à leur disposition ici en Algérie des véhicules fiables livrés avec une garantie internationale, que personne ne peut remettre en cause. Le reste, à savoir le suivi, l’entretien, la révision et la disponibilité de la pièce de rechange, relève de concessionnaires officiellement agréés aussi bien par le constructeur que par les autorités concernées.»
Pour lui, «avec notre activité, on épargne à nos clients les contraintes d’un déplacement coûteux». Et à ce dernier d’asséner : «Ce sont certains concessionnaires officiels qui ne respectaient pas leurs obligations à l’égard de leurs clients.»
Ceci étant, le règne des revendeurs multimarques risque de perdurer encore, tant qu’une décision politique n’est pas prise en haut lieu pour débloquer la situation et permettre à ce marché de renouer avec la normalité. Et les derniers chiffres liés aux importations de voitures par les particuliers, rendus public la semaine écoulée, viennent conforter les responsables concernés dans leur démarche et laissent, ainsi, présager de beaux jours pour ces revendeurs.
B. Bellil Le Soir d’Algérie