vendredi 22 novembre 2024
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Carlos Ghosn, l’incroyable fuite de l’ex-patron de l’automobile

Le caricaturiste français Plantu l’a portraituré souriant dans un hamac, loin de la justice japonaise, pour commencer 2020: Carlos Ghosn a terminé 2019 par une fuite rocambolesque à destination du Liban, qui pose de nombreuses questions quant aux suites de l’affaire.

Comment Carlos Ghosn a-t-il quitté le Japon? : Les circonstances de son départ du Japon, où il est accusé de malversations financières et était assigné à résidence après 130 jours en prison, demeurent obscures. Une source dans son entourage a démenti qu’il se serait enfui caché dans une caisse d’instrument de musique, comme l’avait affirmé un média libanais. Selon une source à la présidence libanaise, l’ex patron de Renaul-Nissan, âgé de 65 ans, a d’abord atterri en Turquie avant de rallier à l’aube le Liban, un des trois pays dont il est ressortissant, avec la France et le Brésil. Son avocat japonais, Junichiro Hironaka, a affirmé que son équipe de défense au Japon est toujours en possession de ses trois passeports. Il est « entré légalement au Liban », a réagi plus tard mardi le ministère des Affaires étrangères à Beyrouth, tandis que la direction générale de la sûreté générale a précisé qu’aucune mesure n’imposait « l’adoption de procédures à son encontre ».

Peut-il être extradé du Liban?  « Il n’y a pas d’accord d’extradition entre le Liban et le Japon », a indiqué à l’AFP une source au ministère de la Justice libanais. « L’absence de convention n’interdit pas en soi d’extrader un individu. Mais certains Etats n’extradent pas leurs nationaux, dont le Liban », précise à l’AFP une experte des relations internationales. Ancien ministre de la Justice libanaise, Ibrahim Najjar a expliqué qu’en cas d’un possible recours à Interpol, le nom de M. Ghosn serait communiqué aux frontières des pays membres pour réclamer une arrestation. « Mais Interpol ne peut pas le faire arrêter par la force, ou imposer une quelconque décision au Liban ». « La justice libanaise peut le juger s’il est établi qu’il a commis un crime punissable par le droit libanais », mais « le Liban ne peut pas juger une personne accusée de fraudes fiscales commises dans un pays étranger », ajoute l’expert.

Quel avenir pour ses procédures judiciaires?  Arrêté à Tokyo en novembre 2018, Carlos Ghosn devait être jugé à partir d’avril 2020. Il fait l’objet de quatre inculpations, deux pour des revenus différés non déclarés aux autorités boursières par Nissan (qui est aussi poursuivi sur ce volet), et deux autres pour abus de confiance aggravé. Dans l’immédiat, son avocat japonais a déploré un départ « inexcusable ». « L’équipe de défense a complètement perdu la face », ayant promis que Carlos Ghosn ne quitterait pas le pays, a analysé pour l’AFP l’ex-procureur et aujourd’hui avocat Nobuo Gohara. « Pour les procureurs, c’est une situation extrêmement grave. Nissan doit avoir peur. Les procureurs aussi ». En France, où une enquête avait été ouverte en avril pour « abus de biens sociaux » et « corruption », « sa fuite ne devrait pas avoir de conséquence sur notre enquête, en tout cas pas de prévisible », a observé mardi Catherine Denis, procureur de la République de Nanterre, pour l’AFP. L’enquête porte sur des prestations de conseils fournies par l’ancienne ministre de la Justice Rachida Dati et le criminologue Alain Bauer – ils contestent toute irrégularité – avec la filiale néerlandaise de l’alliance Renault-Nissan, RNBV, sous le règne de Carlos Ghosn.

Que va faire Carlos Ghosn?  Si Plantu imagine le dirigeant – à la ‘Une’ du quotidien Le Monde – dans un hamac, avec un chapeau de fête sur la tête, une source dans son entourage a simplement indiqué à l’AFP que Carlos Ghosn était avec « sa femme », « libre ». Lui a promis, dans son communiqué, que pouvant « enfin communiquer librement avec les médias », il le fera « dès la semaine prochaine ». Ce nouvel épisode a été perçu diversement au Liban. Si une de ses voisines à Beyrouth a fait de Carlos Ghosn « un exemple de réussite pour les Libanais », le réalisateur Lucien Bourjeily a ironisé sur Twitter: « il est venu pour le confort et +l’efficacité+ d’un système judiciaire libanais qui n’a jamais mis un politicien en prison pour corruption ». Le pays est secoué par un mouvement de contestation inédit, la classe politique étant accusée de corruption.

Source APF