Dans un entretien exclusif au quotidien national, Le Soir d’Algérie, le directeur général de Renault Algérie, André Abboud, revient plus en détails sur cette mesure, ainsi que sur l’évolution de l’usine vers de nouvelles perspectives.
Entretien réalisé par Belkacem Bellil
Le Soir d’Algérie : Premier projet dans l’industrie automobile en Algérie, l’usine Renault de Oued Tlelat boucle, en ce mois de novembre, sa 5ème année d’activité. Pouvez-vous nous faire un bilan de ce quinquennat et des principales étapes de son évolution ?
André Abboud : C’est au mois de novembre 2014 que l’usine Renault Algérie Production de Oued Tlelat a entamé ses activités dans le cadre d’une joint-venture entre la SNVI, le FNI et le Groupe Renault. Cinq années après, je peux vous dire que RAP a respecté l’ensemble des engagements pris lors de la signature du pacte. Des engagements en termes du nombre d’emplois, avec, aujourd’hui, un effectif global de plus de 2 000 personnes, entre emplois directs et indirects. En termes d’investissements, avec des dizaines de millions d’euros consacrés aux équipements spécifiques à chacun des trois modèles, Symbol, Dacia Sandero et Clio 4, pour pouvoir les intégrer dans les chaînes de montage. En termes d’intégration locale avec l’association de 6 fournisseurs qui assurent déjà l’approvisionnement de l’usine en divers composants et deux autres, Sealynx et Formfleks, sont attendus avant la fin de l’année en cours, ce qui nous permettra d’atteindre les 12 technologies intégrées sur nos voitures produites localement. J’ajouterai aussi un volume global cumulé, de l’ordre de 233 000 unités qui dépasse les prévisions initiales.
Un détail technique important que je souhaiterais souligner, c’est que tout au long du process d’assemblage des véhicules, pas moins de 2 000 pièces sont montées sur une caisse arrivant entièrement nue en début de chaîne.
C’est vous dire que Renault Algérie Production est en totale conformité avec la réglementation et les engagements consignés dans le pacte.
Vous arrivez également au terme de la période de grâce, avec ses exonérations de taxes accordées pendant 5 années dans le cadre de cet investissement. Comment comptez-vous aborder cette nouvelle phase ?
En effet, l’usine arrive en ce mois de novembre au terme de la période de bénéfice des avantages fiscaux et parafiscaux accordés par l’Etat algérien dans le cadre des investissements industriels. Nous en prenons acte en adaptant notre stratégie commerciale à cette nouvelle situation, tout en intégrant désormais la TVA dans nos facturations.
Cette nouvelle situation induira des augmentations substantielles sur les prix de vos véhicules. Ne craignez-vous pas une réaction négative de la part de vos clients ?
Chez Renault Algérie, le client a toujours été au centre de nos préoccupations et nous avons, encore une fois, adopté des dispositions pour réduire l’incidence de cette augmentation sur nos prix. Pour cela, nous avons décidé de ne pas faire assumer par le client la totalité de cette taxe, qui est de 19%. Dans une première étape, Renault prendra en charge une bonne partie du montant de la TVA, soit à hauteur de 75%.
Cette mesure concernera l’ensemble des modèles que vous commercialisez ?
Absolument et, mieux encore, nous avons décidé de prendre en charge la totalité de la TVA (100%) pour la famille Clio 4 avec ses deux versions.
Pour Renault Symbol, le client n’aura à payer, concrètement, que 70 000 DA en supplément.
Alors que les nouveaux acquéreurs de notre troisième modèle, Dacia Sandero Stepway, n’auront à s’acquitter que de 90 000 DA.
Cette mesure sera-t-elle reconduite l’année prochaine ?
Pour cette première étape, on se limitera uniquement à l’année 2019 et à partir de 2020, on étudiera cette éventualité selon les futures données du marché, à savoir les volumes de production et les éventuelles évolutions réglementaires.
La décision de ne pas impacter la totalité du montant de la taxe sur les prix de vos véhicules aura sans aucun doute des conséquences sur votre nouvelle stratégie commerciale. Qu’en sera-t-il concrètement ?
Comme vous le constatez, nous avons délibérément fait le choix de privilégier l’approche client et de l’accompagner en minimisant au mieux l’impact de cette mesure sur les prix que nous pratiquons. Mais plus globalement, je dirais que notre démarche consiste surtout à agir sur les coûts de production, les performances de l’usine, les volumes et l’intégration locale, pour pouvoir envisager, à terme, une baisse des prix des véhicules montés dans l’usine.
Ces paramètres constituent autant de chantiers déjà lancés et auxquels on accorde la plus grande attention afin d’accélérer la cadence et parvenir, dans un proche avenir, à un équilibre dans la gestion devant permettre une reconduction des aides commerciales.
Avec l’application désormais de la TVA, compterez-vous maintenir en 2020 la même grille tarifaire en vigueur actuellement ?
Rien n’est encore décidé à ce sujet, nous préférons attendre la promulgation de la loi de finances pour 2020 et ce qu’elle pourrait prévoir comme d’éventuelles dispositions ou nouvelles taxes pour, ensuite, arrêter notre stratégie commerciale.
Néanmoins, il est attendu que nous poursuivrons nos efforts en direction du client à travers d’autres offres promotionnelles.
Lors de votre dernière réunion avec la ministre de l’Industrie, il a été question d’accroître votre taux d’intégration et d’aller vers une démarche d’exportation. Qu’en est-il réellement, et quelles sont les ambitions du Groupe Renault pour le volet exportation ?
Il est vrai que lors de notre rencontre avec Madame la Ministre, nous lui avons réitéré la volonté de Renault de poursuivre son développement et d’aller vers la phase CKD. Ce dossier, qui a pris du temps pour sa maturation, a été retravaillé et, pour l’heure, nous sommes en attente des décisions des pouvoirs publics à ce sujet. Mais je peux vous dire que des deux côtés, le souhait est de voir l’usine RAP évoluer vers cette phase qualitative importante.
En outre, la ministre a également rassuré quant à un retour normalisé de l’activité dès l’année 2020, ce qui nous réconforte sur la concrétisation de ce projet.
Concernant le volet export, il a été beaucoup question d’exportation de la pièce de rechange, notamment eu égard aux exigences du nouveau cahier des charges publié en 2017 et qui fait obligation à chaque constructeur de s’y conformer. Pour sa part, Renault, qui a respecté ses engagements, en favorisant l’émergence de 6 fournisseurs et pas moins de 12 technologies, a présenté un plan ambitieux d’exportation de pièces s’étalant jusqu’en 2022, et ce, vers les autres usines du Groupe Renault dans le monde.
Et je peux vous affirmer que ces exportations débuteront avant la fin de cette année 2019.
Pensez-vous que Renault Algérie Production sera au rendez-vous des 40% d’intégration locale exigés par le cahier des charges ?
Oui, Renault aura, à l’échéance réglementaire de 2022, atteint, voire même dépassé ce niveau de 40%. Les trois paramètres retenus dans le calcul de ce taux, à savoir l’emploi, l’intégration locale et l’exportation, seront réalisés.
Le client algérien pourrait-il, dès 2020, disposer d’un plus large choix dans la gamme de véhicules produits localement. Quels seraient les nouveaux modèles que vous comptez intégrer dans l’usine RAP ?
L’usine RAP produit actuellement trois modèles, Symbol, Sandero et Clio 4 qui couvrent entre 60 et 70% de la demande nationale sur ces segments.
Cependant, autant nous mesurons la frustration du client algérien de voir cette gamme s’élargir à de nouveaux modèles, autant nous en sommes conscients et nous travaillons sérieusement pour combler ces manques. Des surprises sont à prévoir.
La fermeture de l’usine Renault de Oued Tlelat a suscité beaucoup de réactions. Comment se passe cette période de perturbation sur le terrain ?
On a adapté l’activité de l’usine aux contraintes des quotas qui nous sont attribués. Pour ce mois de novembre, l’activité est maintenue pendant au moins 15 jours et le reste du temps est mis à profit pour approfondir les formations du personnel d’encadrement ou réaliser des opérations de maintenance et d’entretien des équipements ou autres travaux pour améliorer les performances de nos installations.
On est obligé de gérer en alternant les périodes d’activité et de maintenance, mais il n’a jamais été question de fermeture.
Qu’en est-il du réseau d’agents agréés de Renault Algérie ?
Effectivement ,et en dépit de cette conjoncture, nous avons continué à développer notre action de proximité avec l’ouverture de deux nouvelles concessions à Chlef et à Akbou pour être à l’écoute de nos clients et leur assurer des prestations de qualité, notamment dans le domaine du service après-vente et la disponibilité de la pièce de rechange d’origine.
Une politique constante depuis toujours qui nous permet aujourd’hui d’être présents sur tout le territoire national à travers 58 représentations qui emploient 1 500 personnes.
B. B. Le Soir d’Algérie