vendredi 22 novembre 2024
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Abderrahmane Achaibou, P-DG d’Elsecom : «L’industrie automobile en Algérie, un leurre»

Dans le cadre des activités de l’association des anciens élèves de l’école nationale Polytechnique d’Alger, une conférence sur l’industrie automobile en Algérie a été donnée récemment par un de  ses membres,    faisant partie des premières promotions de cette prestigieuse institution, à savoir Abderrahmane Achaibou, P-DG du groupe éponyme.

L’orateur a fait, en préambule à son intervention, un aperçu historique de l’évolution de l’industrie automobile mondiale à travers le temps avec des haltes sur les principales étapes marquantes, les premières inventions liées à la mobilité de l’homme avec les moteurs à vapeur, l’émergence de la fabrication à la chaîne, la multiplication des innovations technologiques qui amélioraient progressivement la qualité des véhicules et même les tout premiers modèles de voitures électriques au début du siècle dernier.
En abordant l’état actuel de cette industrie, Abderrahmane Achaibou rappelle que la production automobile mondiale atteint les 95 millions d’unités réparties d’une manière inégalée entre 11 pays totalisant 76% de cette production et le reste se contentant  de seulement 24%. Les principaux producteurs mondiaux sont la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Europe, l’Inde, le Mexique, le Brésil et la Thaïlande. Il se dégage de ce peloton trois groupes internationaux totalisant chacun plus de 10 millions de véhicules vendus en 2018, en l’occurrence Volkswagen, Toyota et Renault-Nissan-Mitsubishi.

Le marché algérien victime des improvisations
Concernant le marché algérien, l’orateur a précisé que celui-ci est passé par plusieurs expériences, notamment le monopole d’Etat exercé par l’ex-Sonacome avec sa filiale de véhicules particuliers DVP, l’AIV ou autorisation d’importation de véhicules, l’importation de véhicules de moins de 3 ans, l’ouverture du marché aux concessionnaires représentant les marques internationales, le système de quotas instauré en 2016, l’interdiction des importations de CBU par les concessionnaires, la mise en place des lignes d’assemblage SKD et enfin la limitation des volumes d’importation de ces kits en 2019. Autant dire que le marché algérien a de tout temps été soumis à l’improvisation et aux humeurs changeantes des dirigeants de l’heure.
On retiendra particulièrement le chiffre avancé par l’intervenant sur la facture globale consacrée jusque-là aux importations de véhicules et qui s’élève à 50 milliards de dollars. Un montant qui, à l’évidence, aurait pu permettre, à travers une bonne gouvernance, l’émergence d’une véritable filière mécanique nationale.

Un détournement à grande échelle
A l’image de tous les autres secteurs, celui de l’industrie automobile n’a jamais fait l’objet d’une démarche étudiée et sérieusement planifiée. Et le patron du groupe Achaibou ne manquera pas de souligner la légèreté avec laquelle a été préparé le cahier des charges de 7 pages et de 17 articles censé réglementer l’activité de montage automobile en Algérie. Pour lui, «ce document reste vague, ambigu et manque de précision et de clarté», d’autant plus, ajoutera-t-il, «que sur le volet de l’intégration, il fixe des taux irréalistes».
L’orateur s’emploiera par la suite à démontrer avec force pédagogie que le semblant d’industrie automobile en Algérie n’était en réalité qu’un moyen pour un détournement à grande échelle de l’argent public au profit d’une poignée de courtisans. Les préjudices occasionnés au Trésor public se sont révélés finalement au-dessus de toute prévision et en plus sans aucune plus-value pour le pays.

Les véhicules de moins de 3 ans, une option sans intérêt pour le citoyen
Commentant la décision du gouvernement de relancer les importations des véhicules de moins de 3 ans, Abderrahmane Achaibou considère que cette solution ne profitera nullement au citoyen, dès lors que le véhicule lui coûtera à l’arrivée en Algérie bien plus cher que le neuf. A cela s’ajoutent des problèmes techniques en perspective, sachant que les véhicules importés d’Europe, notamment, sont conformes aux normes Euro6 et de ce fait, inadaptés aux conditions de roulage en Algérie et surtout à la qualité du carburant localement disponible. Ce qui risque d’alourdir encore plus les coûts pour le citoyen.
Il est à rappeler que le groupe Achaibou est le pionnier dans le secteur automobile en Algérie avec la représentation depuis plus de 20 ans de plusieurs marques qu’il avait introduites pour la première fois et développé leur image auprès des clients avant d’en être dépossédé, par le seul fait du prince, par l’ancien ministre de l’Industrie Bouchouareb. Parmi ces labels, on citera KIA, Ford, Suzuki, Isuzu, Daewoo…
B. Bellil