Le feuilleton des véhicules de moins de trois ans connaît de nouveaux rebondissements avec la reconduction de cette disposition dans la loi de finances complémentaire 2021 publiée dans la dernière édition du Journal officiel.
Elle autorise de nouveau les citoyens à importer, pour leur consommation propre et une seule fois durant trois années, un véhicule usagé, avec paiement des droits et taxes applicables en la matière. Un arrêté viendra par la suite définir les modalités pratiques pour sa mise en application sur le terrain.
Une mesure qui suscite à chaque fois des réactions mitigées, entre, d’une part, les partisans où se mêlent les citoyens, en quête impérieuse d’une voiture, et les affairistes flairant le bon filon, et d’autre part, les opposants qui mettent en avant l’inconsistance de cette décision et l’inadaptation de certaines de ses dispositions avec la réglementation du change et surtout l’encouragement du marché parallèle de la devise.
Certes, la crise qui secoue depuis plusieurs années le marché automobile en Algérie et le tarissement de ses différentes sources d’approvisionnement pourraient justifier, un tant soit peu, le recours à une telle décision, cependant, elle est loin d’être bénéfique pour le citoyen lambda.
Un argumentaire peu convaincant
Rappelons que lors des débats autour du projet de loi de finances 2020, le ministre du Commerce a tenté de défendre cette disposition, en la présentant comme une «alternative à la crise qui s’annonce dans le secteur et comme un moyen de pression sur les assembleurs locaux pour baisser les prix de leurs produits».
Depuis, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. La pseudo-activité d’assemblage n’est plus qu’un vague et triste souvenir d’une démarche biaisée qui a fait perdre au pays du temps et de l’argent. La crise, accentuée par la pandémie, a fini par étendre son voile sombre sur l’ensemble de l’économie du pays et surtout sérieusement érodé le pouvoir d’achat du citoyen.
Rappelons également que, dès l’annonce du retour de cette disposition et avant même son adoption, les taux de change de la devise étrangère dans le marché parallèle avaient flambé, en passant, en cet automne finissant de 2019, de 160% à 200% avec des prévisions de cambistes à 250%.
Commentant cette hausse, le même ministre du Commerce avait suggéré que «cette mesure était destinée aussi à capter la masse de devises étrangères en circulation sur le marché parallèle». Des déclarations paradoxales qui renseignent sur l’incohérence de cette décision et des objectifs attendus.
Le poids des incohérences
Aujourd’hui encore, la décision de relancer l’importation des véhicules de moins de 3 ans, suspendue en 2005, ne repose toujours pas sur un argumentaire convaincant.
Le taux de change est au plus haut, flirtant avec les 202% ; les dispositions annoncées et obligeant les citoyens à passer par une banque locale pour le versement du montant de la transaction et le paiement des taxes et droits de douane ajoutent plus de confusion et de complications bureaucratiques, sachant les difficultés déjà enregistrées au niveau de ces établissements pour une simple opération de retrait de l’allocation touristique annuelle ; les prix des véhicules de 3 ans d’âge demeurent relativement élevés en Europe, pas moins de 8 000 à 9 000 euros pour un véhicule de petite cylindrée avec un kilométrage moyen. A cela s’ajoutent les restrictions actuelles et celles à venir, s’annonçant encore plus sévères, pour la délivrance des visas pour les Algériens.
Autant dire, une mission presque impossible, car, au final, et en incluant les frais de voyage, d’assurance, de fret et de dédouanement, le prix du véhicule serait excessivement élevé.
A l’évidence, l’option des véhicules de moins de 3 ans ne saurait, en l’état des données énumérées plus haut, être une alternative raisonnable pour le citoyen, d’autant que ce dernier ne pourrait compter sur une pratique traditionnelle, à savoir l’aide et l’assistance des membres de sa famille installée de l’autre côté de la Méditerranée en vue du paiement direct du prix du véhicule sans être contraint de recourir à un exercice de haute voltige pour la recherche et l’envoi de la devise depuis l’Algérie.
Dans sa mouture rendue publique récemment, cette décision d’autoriser l’importation des véhicules de moins de 3 ans ne sera, encore une fois, nullement dans l’intérêt du citoyen. Ce sera plutôt une aubaine pour les détenteurs de la masse de devise du marché parallèle et leur relais de cambistes, ainsi qu’aux professionnels de la revente de faire de bonnes affaires.
Il est à souhaiter une reprise rapide des importations de véhicules neufs par les concessionnaires pour permettre au client algérien d’échapper à cette alternative peu attrayante.
B. Bellil Le Soir d’Algérie